Grégory
Le Perff
Programmateur
Peut-on gagner sa vie et assurer la survie de sa famille en buvant de l'eau ? Étrange question à laquelle l'hypnotique Black blood du chinois Zhang Miaoyan semble répondre par l'affirmative. Aux confins de la campagne chinoise, isolé avec sa femme et sa petite fille, un homme visiblement sans emploi, découvre qu'un marchand ambulant sillonne le pays pour acheter le sang des villageois. D'où notre misérable héros tient-il l'idée que le fait de boire de l'eau améliore le rendement du donneur ? Est-ce une vérité médicale ? En tout cas, transformant son corps (et bientôt celui de sa femme) en machine à produire de l'hémoglobine, il se décide à ingurgiter des quantités ahurissantes d'eau pour pouvoir donner toujours plus de sang. La répétition de ces séquences de beuverie nous fait passer de l'incrédulité au rire, puis à l'effroi quand il devient évident qu'il met sa vie en danger en agissant ainsi. Il apparaît alors finalement que si le sang a un prix dans l'empire du milieu, la vie humaine n'en a pas. Le sentiment de désespoir absolu alimenté par l'austérité de cette campagne chinoise soigneusement photographiée en noir et blanc est toutefois contrebalancé par des moments presque burlesques tirés de la vie rurale quotidienne. Film dont l'ambition plastique, à la limite de l'abstraction, est évidente, Black Blood est également un pamphlet politique plutôt malin. Il finit en effet par résonner comme l'annonce ironique d'une apocalypse, une apocalypse provoquée par une système capitaliste inhumain qui va littéralement jusqu'à pomper le sang des plus pauvres.
Publié le mardi 23 janvier 2018