Sylvain
Lazare
Directeur du circuit de cinémas Les Arcades
Dès la première image, les fils conducteurs de ce documentaire s'imposent : l'eau qui permet de survivre, les femmes brésiliennes « sans terre » qui prennent un bain joyeux dans l'étang d'une communauté agricole naissante. La remarquable beauté et simplicité des plans du quotidien colore le décor de la pauvreté et des luttes politiques que nous suivons sur plusieurs années. En fait rien n'est laissé au hasard au gré de la construction de ce film qui parait s'écouler au rythme de la vie agraire et des nécessités les plus simples : bâtir une maison, se nourrir, boire, protéger les terres, réussir à vivre en communauté : chaque séquence, leçon de courage et d'autodétermination, est choisie avec soin ponctuant les étapes essentielles de la survie du groupe. Ces héritiers des esclaves fuyards qui organisèrent au XVIIe siècle les Quilombos, premières communautés au Brésil ;ces enfants de la réforme agraire doivent (ré)apprendre l'expression de la démocratie, d'où une étonnante séquence où un vote à main levée autorise les propriétaires de bétail riverains à polluer l'étang qui sert de réserve d'eau potable à la coopérative. C'est à ce moment l'expression de toutes les contradictions qui peuvent surgir dans ce pays ou les réformes tardent à s'affirmer voire même sont stoppées, et qui est également le premier utilisateur de pesticides dans le monde. Mais cette œuvre n'est pas orchestrée pour servir un discours politique, c'est une plongée dans un univers, des regards empreints d'humanité, comme l'espoir des titres définitifs de propriété qui couronneront des années de combat de femmes et d'hommes pour retrouver une terre ou l'espoir de la pluie à la fin du film.
Publié le jeudi 18 janvier 2018