Buny
Gallorini
Programmatrice
Vous recevez plusieurs membres de votre famille dans votre petit appartement. Vous avez trois enfants, un chat, un chien. Vous allez, venez, échangez des banalités, des allusions, les bruits et les gestes du quotidien s'entrechoquent. Votre chien aboie quand passe un objet devant la fenêtre, votre plus jeune fille hurle pour couvrir le bruit de la machine à café. Tout est normal, diriez-vous.
Mais Ramon Zürcher a posé sa caméra dans un coin de votre cuisine. Tout ce qui était ordinaire devient alors étrange, incongru, presque surréaliste. Car celui qui regarde ne connaît pas vos habitudes, vos travers, vos minuscules inquiétudes, votre style d'humour. Tout lui semble donc extra-ordinaire.
Le talent de ce jeune réalisateur saute aux yeux. Il a le sens du cadre d'Ulrich Seidl sans en avoir la cruauté, la précision du montage de Yorgos Lanthimos sans son opacité, la poésie d'Eugène Green sans l'extrême distanciation. Optant pour une réelle économie de moyens, chorégraphiant les déplacements et gestes du quotidien, choisissant de laisser hors-champ certains sons, certaines images, filmant des objets isolés qui en deviennent poétiques et incongrus, il parvient à trouver l'étrangeté sous le vernis.
Cette famille pourrait être la vôtre. Ou la mienne. Sans témoin elle me semblerait normale. Avec Ramon Zürcher derrière la caméra c'est le petit chat qui devient le moins étrange de tous.
Publié le lundi 18 septembre 2017