La Bataille de Solférino réussit l'étonnante performance d'avoir su conjuguer avec un brio époustouflant l'histoire intime d'un microcosme familial perturbé et le macrocosme national pris dans un moment de fulgurance incroyable où la foule se presse dans l'attente de la décision qui va modifier (?) l'avenir de tous. C'est survolté, on en a plein les mirettes, c'est précis, très bien écrit et pourtant ça a l'air improvisé, ça s'enchaine à une vitesse folle, ça vous bouscule ça vous emporte, ça décape... Impossible de rester passif et tranquille dans son fauteuil, on brûle d'intervenir, on a envie d'interpeller les personnages. C'est une plongée dans l'air du temps, qui nous concerne et ne fait de cadeau à personne mais, même ironique et mordante, garde une forme de bienveillance qui n'écrase aucun des personnages : tout insupportables que peuvent sembler certains, il y a toujours ce petit goût de tolérance qui laisse entrevoir que toutes les évolutions sont encore possibles. La situation est grave, comme dit l'autre, mais finalement peut-être pas si désespérée... Les gamins du film ont leur part dans la réussite de l'ambiance, emportés dans le tourbillon d'événements qui les énerve, les fait brailler, ils sont l'annonce de développements futurs, craquants, émouvants, justes … bref ! On a adoré La Bataille de Solférino, qui n'a rien à voir avec la victoire de l'armée française en 1859 sous la houlette de Napoléon III, mais se situe le 6 mai 2012, au moment où la France entière retient son souffle dans l'attente du résultat des élections : les Français vont ils filer un deuxième mandat à Sarko ? … ou opter pour « le changement c'est maintenant » ?
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Justine Triet parvient à trouver le bon ton, le bon dosage et construit une histoire – dans laquelle beaucoup de couples qui partent en brioche se reconnaitront – parfaitement drôle, mais qui n'occulte rien des difficultés relationnelles, de la position des enfants, de l'influence de l'Histoire sur nos vies... jusqu'à ce que l'orage passe et que l'épuisement ait raison des antagonismes... pour un temps au moins. Les images de foule sont tout simplement exceptionnelles, captées par sept caméras différentes, placées autour du siège du PS mais aussi dans le coin de celui de l'UMP, les interventions réelles de militants se croisant avec celles des comédiens... au point qu'on ne sait plus parfois faire la part du réel et de l'imaginé : le film fond la politique dans la réalité quotidienne et la réalité quotidienne dans la politique. Un superbe moment de cinéma qui n'a pas fini de vous faire causer...
La Gazette des cinémas UTOPIA - septembre 2013
Publié le mardi 12 septembre 2017