Buny
Gallorini
Programmatrice
À la question de savoir quelle est la juste distance pour dire la guerre, l'horreur, la Shoah, les cinéastes ont tenté de répondre de multiples manières : de la rigueur des entretiens au long cours de Claude Lanzmann au rire de Chaplin ou Benigni, en passant par l'animation d'Ari Folmann. Joseph Morder a choisi les toiles peintes et les protagonistes de carton-pâte.
Dès la première séquence, voici le spectateur transporté dans un Paris enchanté, irréel. Deux êtres de chair badinent, sourient, et s'ils sont mélancoliques, c'est sur un arrière-fond coloré et une bande son joyeusement citadine. Le monde réel existe si peu que le spectateur se sent hors du temps, hors du quotidien.
Lorsque apparaît le cahier sur la table, vrai cahier des Mémoires de la mère de Joseph Morder, il se charge de tout le poids de la réalité. L'horreur existe, elle peut même être racontée par une survivante. La dignité magnifique d'Alexandra Stewart emplit alors tout l'écran. Plus besoin de décors, d'illusions poétiques, la parole seule suffit. Le film est là, déjà terminé, quand commence pour le spectateur la sensation qu'il n'en aura jamais fini de cette indicible parole.
Publié le mercredi 17 janvier 2018