À propos de Retour à Forbach

Emmanuel
Vigne

programmateur

Retour à Forbach pose et porte au loin l'éternelle question du regard. Un lent travelling arrière offrant à voir, au fur et à mesure, l'histoire intime, familiale, collective, et, en plan d'ensemble, la grande Histoire. Son et image s'éloignent parfois, prenant la route pour chacun chercher sa vérité : tu n'as rien vu à Forbach. Ou certains n'ont rien vu venir, rêvant peut-être de réparer l'histoire. Dans la dissociation de l'universalisme et de l'universalité – l'un n'impliquant pas nécessairement l'autre –, Régis Sauder amène par l'image-mouvement le spectateur à enfin voir ce qui l'entoure. À prendre conscience. Alors, nous devenons Régis Sauder. Et des rues enneigées de Forbach aux impasses, frappées l'été d'un soleil de plomb, de Port-de-Bouc – quels échos entre ces deux cités ! – l'image en mouvement se mue en fil d'Ariane d'une poésie, d'une politique, communes à la « nature d'êtres des parlants ». Nul portrait hic et nunc d'une France (mais nous pourrions à l'envi en exploser ses frontières), mal et trop souvent imprimées à l'écran, n'avait touché aussi juste. Plus qu'un aggiornamento social et industriel, qui ne rend nullement compte d'un état, mais au contraire d'une dynamique – aussi inquiétante soit-elle –, Retour à Forbach orchestre les masses en jeu, dans la temporalité qui est la sienne. C'est l'impressionnant travail sonore qui fait également sens : ne restent comme écho d'une industrie perdue que les saillies métalliques du groupe Deficiency, contenant dans ses morceaux la rage effleurée des témoignages épars. C'est alors qu'apparaît perceptiblement la construction d'un récit littéraire, où l'image symbolique se substitue à l'image absente, mais jamais aux mots. Et comme en littérature, « l'image est un acte et non une chose ». C'est à cet endroit précis que Régis Sauder invente un langage, se rajoutant aux autres langages du cinématographe, où la somme du tout est supérieure au simple ajout de ses parties. Supérieure à la question industrielle – ou post-industrielle –, politique, urbaine, familiale, intime : le regard se rapproche après s'être éloigné, travelling avant.


Emmanuel Vigne

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programmateur


Le Méliès

Publié le mercredi 11 octobre 2017

Paroles de programmateurs

Retour à Forbach

Un film de Régis Sauder
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