Gautier
Labrusse
Programmateur
Il y a une impression étrange, très forte qui se dégage à la vision de ce film. Celle d'être, non pas à la frontière du réel et de la fiction, mais au cœur de la tragédie et de la vivre dans ce qu'elle a d'universel. En raison du titre, d'abord, du nom de ses héros, Spartacus, figure antique de l'anti-esclavagisme, et Cassandra, « celle qui protège » et possède le don de prophétie. Mais ce sont avant tout des hommes, avant surtout d'être des Roms avec 1 ou 2 « R ». Leur destin et ce qu'il engendre de déchirement, de culpabilité, de dilemme par rapport à leurs parents pourrait être le mythe d'une tragédie de Sophocle ou d'Eschyle. Il en possède, en tout cas, tous les ressorts : les personnages tragiques ne prouvent-ils pas leur héroïsme dans un combat contre la fatalité ? Non, la catharsis ne concerne pas seulement le spectateur mais aussi et surtout les enfants-personnages eux-mêmes : au cœur du chœur en voix-off, en vers, prose et même en rap, il les invite à un acte créatif majeur, il les invite à agir sur l'œuvre elle-même et, concomitamment, sur leur propre destinée. On touche alors à l'extraordinaire. Il n'est plus seulement question de la leçon platonicienne et de ses trois couches. Il n'est plus seulement question de savoir si l'œuvre transforme notre conscience du réel. Car voilà que l'œuvre transforme le réel. Car voilà que le film construit la réalité. Car voilà que se mêlent l'œuvre, la vie, les personnages et les « acteurs » de la vie. Car voilà que l'histoire de ces enfants est devenue celle du réalisateur après être devenue celle de Camille avant de devenir la leur et bientôt la nôtre.
Publié le lundi 11 septembre 2017