Gautier
Labrusse
Programmateur
« A Caudebec, j'irai. Un appartement, j'en aurai un. Un scooter, j'en aurai un. Des copains, j'en aurai. Et je vous emmerde ! »
Il fallait donc un quatuor, soit huit mains, pour composer ce mantra et en faire tout un cinéma !? Bah oui, et ce n'est pas la seule originalité de ce film peu banal. A commencer par son personnage principal incarné par Daniel Vannet. Aussi authentique et direct que le King de Manchester dont il n'aura bientôt même plus à envier l'anglais (son apprentissage donne lieu à une scène savoureuse), ce Willy 1er est royal à plus d'un titre. Et pourtant, la vie n'a pas été particulièrement magnanime avec lui : un physique pas jojo et un triptyque tristement ordinaire, ruralité, pauvreté, illettrisme. Une humanité à la Dumont. Sans compter l'amputation de sa moitié à la moitié de sa vie et une crise d'ado à cinquante balais face à des darons pas tellement mieux lotis.
Mais Willy, et Daniel avant lui - parce qu'on est ici dans une fiction inspirée librement de sa vie -, refuse tout fatalisme et se forge lui-même sa providence. Le voilà suprême, grandiose, divin, sa vie entre ses mains. Il est héroïque, mais il ne nous vient pas de Krypton ou de je ne sais quelle planète Marvel. C'est vrai qu'il a un petit côté lunaire, pourtant c'est juste un être humain embarqué dans un OFNI comme on en croise beaucoup sous ACID et il nous rappelle que, si nous ne sommes tous que des terriens, nous sommes tous autant d'individualités, de spectateurs et acteurs de ce monde où nous ne faisons pas que figurer. Le formatage c'est bon pour les disquettes et il est vital que nos vies, nos films, nos salles s'éclairent sous plusieurs angles. Ça s'appelle la diversité et c'est un mot éclatant car, dans ses racines, il ne signifie pas que variété mais aussi divergence, opposition. Alors, oui, avec Willy, divergeons !
Publié le mercredi 17 janvier 2018