Gautier
Labrusse
Programmateur
Last Laugh, le titre initial, fait écho au couplet de Van Morrison : Don't you love the sound / Of the last laugh my friend ? / Don't you love the sound / Of the last laugh at the end ? Rassurez-vous : je ne vais pas vous spoiler la fin. Tous les cinéphiles se replongeront dans Voyage à Tokyo d'Ozu qui traitait de l'ingratitude, de l'impiété filiale et relatait avec une précision poignante la déliquescence d'une famille japonaise prise au piège de la société de consommation. Zhang Tao explore ici, avec une sensibilité glaçante, les évolutions de la société chinoise devant le vieillissement de la population et dresse un froid constat sociologique de la détérioration des liens familiaux, une résignation nouvelle face aux réalités douloureuses de la vie. Il sonde la noirceur et la cruauté pour mieux exprimer la sagesse, la générosité et la dévotion de cette mère qui incarne un passé révolu où régnait la solidarité. Elle figure à elle seule les drames de toutes les familles frappées – à en perdre leur âme – par la brutalité des mutations de l'économie chinoise. Trimballée de maison en maison, indésirable, elle assiste, mutique, au déchirement familial : ses descendants, fils et filles, brus et gendres, s'étripent sur son sort. C'est avant tout une affaire de gros yuans, mais aussi de garde et d'indépendance. Les jalousies et rancœurs accumulées rejaillissent : ça s'échauffe, ça bouillonne et ça volcanise. Pialat l'impétueux, spécialiste du pied de nez et du bras d'honneur, se serait sans aucun doute délecté du rire de Madame Lin, laquelle attend le mouroir dans des crises d'hilarité aussi inopinées que mystérieuses qui vibrent comme d'irrépressibles sanglots. Pour en revenir à la fin et au titre initial, rappelons que Murnau voulait que le dernier des hommes finisse dans les toilettes de l'histoire, avant qu'on lui impose un happy-end et que Der Letze Mann devienne The Last Laugh, l'unique intertitre du film indiquant : « Mais l'auteur a eu pitié de son héros et inventé un épilogue à peine croyable. » MDR ! Et je m'arrêterai sur cette abréviation.
Publié le mercredi 20 décembre 2017