INVITATIONS AUX SPECTATEURS - KONGO


FILMER L'INVISIBLE 


Filmer le visible et l'invisible est depuis toujours affaire de cinéma : comment faire affleurer les sentiments, les non-dits, les implicites… Mais par quels moyens les cinéastes parviennent-ils à composer avec cet apparent paradoxe lorsqu'il s'agit de créer un rapport d'immédiateté avec une spiritualité qui nous était jusqu'à présent étrangère, et de porter ces mondes invisibles à notre perception ? Dès les débuts du tournage de Kongo, les cinéastes ont éprouvé la nécessité de faire ressentir aux spectateurs la présence des esprits qui cohabitent au quotidien avec les protagonistes. Ils ont filmé des épisodes de transe et se sont également attachés à représenter la vibration des éléments, les remous du fleuve Congo, les vapeurs de fumée ou le souffle des vents, en lien avec la tradition animiste vouant un culte aux génies de la nature.

La bande originale signée par le violoncelliste Gaspar Claus nous plonge dans un état de perception propice à l'enchantement et à l'imagination ; la musique subaquatique de l'épilogue, composée par Michel Redolfi, nous fait basculer dans une autre dimension, en immersion avec les sirènes.

Le tandem La Vapeur-Vaclav ose ainsi un parti pris fort, celui de nous faire basculer du côté de la croyance, de rendre présents les esprits plutôt que de les représenter…


DOCUMENTAIRE OU FICTION ?


Une voix-off dont la provenance demeure mystérieuse surgit des premières images de Kongo…Dans cette Brazzaville nocturne et battue par les pluies, le film semble démarrer comme un conte, assumant d'emblée une frontière poreuse entre réel et imaginaire. Les cinéastes témoignent volontiers de moments de tournage où la réalité dépassait la fiction, et où il devenait difficile de départager le vrai du faux, le mystique de la coïncidence. Le film, bien que documentaire, sème volontairement le trouble sur le degré de réalité de certaines séquences. Avec l'emploi de la voix-off, les cinéastes ont cherché à dissocier le son de l'image et à s'extraire ainsi d'une forme de réalisme. Ils ont eu recours à des angles de caméra rarement utilisés dans le documentaire, rendus notamment possibles par la proximité qui s'est installée avec les protagonistes (Hadrien la Vapeur et Corto Vaclav ont été nommés présidents de l'église, à titre honorifique).

Par le langage visuel de la fiction, les spectateurs sont invités à se rapprocher des personnages et à suivre une dramaturgie qui se fonde sur des scènes réelles, mais qui s'est structurée au montage.  Durant les six années de fabrication du film, les cinéastes n'ont ainsi eu de cesse de tourner, monter, tourner à nouveau, etc. Il leur fallait trouver une ligne directrice simple, dans les mille histoires qui sont arrivées devant leur caméra. Là où la construction d'un récit pose un problème de méthode pour le documentaire anthropologique, car elle implique d'abréger ou de remanier une chronologie, celle-ci a permis aux cinéastes de rendre sensibles leurs expériences et leur rencontre avec le monde de l'apôtre Médard.



Publié le mardi 25 février 2020

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Kongo

Un film de Hadrien La Vapeur
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