Fredi M.
Murer
Cinéaste
La raison pour laquelle je me sentais si bien, comme chez moi, devant La petite amie d'Antonio de Manuel Poirier, vient sans doute du fait que la conception filmique qui sous-tend l'œuvre, me paraît à la fois très conséquente, réfléchie et affectueuse. De façon économique, Poirier se sert de la pauvreté comme moyen stylistique et artistique. Sa façon bien particulière de raconter nous détourne en permanence d'une dramaturgie habituelle et dévoile ainsi au passage, tout en rusant, nos habitudes « américanisées » de cinéma. Grâce à la précision ethnographique, élaborée jusqu'au moindre détail, «la normalité » de la vie quotidienne se transforme en sensation silencieuse. Comme dans le théâtre Nô, l'absence apparente d'événements devient l'événement même. L'amour que porte Poirier à ses comédiens semble empêcher ceux-ci de s'exposer et d'agir en tant que tels. A mes yeux, un bon film de fiction est également une sorte de documentaire sur ses actrices et acteurs. Cela s'applique à devant La petite amie d'Antonio.
Fredi M. Murer
-Cinéaste
Publié le mercredi 13 septembre 2017