Cati
Couteau
Cinéaste
C'est aux Philippines que les Coréens du Pays des Épouvantails vont chercher les enfants et les épouses dont leur terre toxique ne peut plus garantir l'intégrité. Ce conte philosophique est le deuxième volet - après Le dernier repas, 2006 - du triptyque de Gyeong-tae Roh sur la pollution environnementale. Métaphore hypnotique introduite par la beauté blanche et énigmatique d'une danse propitiatoire exhumée des temps anciens, Land of Scarecrows est une méditation à la poésie décalée qui dessine avec une grande force visuelle le paysage futuriste et désespéré d'une industrialisation criminelle. Un tableau ravageur, une anticipation déprimée : l'hybridation des espèces (les carpes à face humaine sont d'un surréalisme glaçant) ; dominée par les terrils, une terre comme un cloaque planté d'épouvantails, qui, plutôt que d'effrayer les oiseaux absents, semblent les effigies des humains sacrifiés. Des séquences en plans fixes campent ces territoires de désolation écologique et économique et raccordent quelques trajectoires de résistance à la déréliction : un jeune Coréen à la recherche de ses origines philippines, une plasticienne travestie en homme pour prendre femme aux Philippines, femme s'exilant en quête de sa fiction coréenne. Cherchant une alternative à la stérilité de leur pays ou à la misère de leur condition, ces personnages fragiles, marginaux, décalés, vont peut-être, en croisant leur solitude, inventer avec obstination leur propre espace de survie.
Cati Couteau
-Cinéaste
Publié le mercredi 13 septembre 2017