À propos du Bruit, l'odeur et quelques étoiles

Luc
Leclerc du Sablon

Cinéaste

Fait-divers. L'histoire se passe à Toulouse. Habib (que tout le monde appelle Pipo) et son copain Amine ont piqué une voiture pour la soirée. Ils se font repérer par un gardien d'immeuble qui prévient la police. Les flics arrivent. Il fait nuit, Amine parvient à s'échapper. Le brigadier tire, Pipo est retrouvé mort au petit matin par une passante du quartier.


Et les vaches sont bien gardées… Il y a la grande ville et ses cités, il y a des mômes qui font des conneries, il y a même des voyous. Les flics font la police, il y en a aussi qui font des conneries, dans ces cas-là on dit « bavures ». Il y a la peur, du bruit, de l'odeur, des mômes, des voyous, des flics, des étrangers, de l'avenir, du grand monde tout autour… Tout le monde est à sa place et Pipo est mort par terre, la nuit, seul dans la rue.


À l'annonce de la mort de Pipo, injuste, forcément injuste (il n'avait pas dix-huit ans - le coup était à bout portant…), le quartier où Pipo vivait s'est embrasé durant quatre jours et quatre nuits et 1600 policiers (CRS – Stup – BAC - PJ) furent dépêchés sur place.


_ La mort de Pipo est le point de départ de ce film qui nous raconte bien d'autres choses que la sempiternelle histoire des bons et des méchants, de l'ordre et du désordre, de la racaille et des gens bien, bref, on est loin des certitudes et de tous les stéréotypes sur les banlieues.


_ Son absence éclaire la tête et le cœur de ceux qui ont connu Pipo. Ce sont eux les acteurs du film, eux que nous suivons au risque de les aimer comme les héros d'une tragédie. C'est la complexité des êtres qui est en jeu dans cette histoire, les fracas de l'existence. C'est une histoire d'aujourd'hui. Les protagonistes ont l'accent du midi de la France. Ici ils se nomment Farid, Schumi, Kheira… La mort de leur copain est une injustice, c'est comme ça qu'ils l'ont vécue. Ce qui est beau, c'est qu'ils ne se sont pas arrêtés là. Ils ont voulu sortir de leur rôle. Prendre la parole, demander justice, rencontrer les autorités et s'unir pour se faire entendre. Aller jusqu'au bout, ça voulait dire s'émanciper, briser l'image de la cité, la leur, pour Pipo et pour eux. Ils l'ont fait. Oui mais voilà, on ne s'échappe pas comme ça, pas si simple de changer de rôle, de sortir, rien à voir avec la justice ou l'égalité des chances. Il y a comme de la fatalité dans l'air. C'est le vertige du film. Sa force est sa fragilité. Il va jusqu'au bout avec eux. Il trouve la parole, pas celle du journal de 20H, pas celle des donneurs de leçons, non, ici la parole est d'homme, de jeunes hommes lucides. Et parce que les mots parfois ne portent pas assez, quand ils ne suffisent plus à nous faire avancer ensemble, à conjurer la fatalité, à réchauffer les cœurs, il y a les chansons de Zebda. Ils forment le chœur, en appellent à l'imaginaire et à la poésie. Et l'histoire se chante aussi… Comme à l'opéra. Alors ce film est une chance, pour nous sûrement et pour Farid, Shumi, kheira et les autres, peut-être ?

Luc Leclerc du Sablon

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Cinéaste


Publié le jeudi 14 septembre 2017

Paroles de cinéastes

Le Bruit, l'odeur et quelques étoiles

Un film de Éric Pittard
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