Arnaud
Dommerc
Cinéaste
Là n'est pas le moindre mystère de ce film que d'avoir réussi à faire sien un projet qu'avait Pier Paolo Pasolini et de l'avoir servi avec ses moyens propres : restituer Paul dans son humanité, j'entends sa posture d'homme vivant, ni apôtre béatifié, ni pilier du christianisme, et en montrer sa permanence contemporaine, voire universelle.
Le Mystère Paul se présente comme une enquête. Menée par Didier Sandre, acteur et personne, elle nous emmène de Turquie en Grèce, de New-York à Rome. D'interviews en rencontres multiples (exégètes, philosophes, mer, pierres,...) sur les traces de - apparaît Paul, juif persécuteur devenu persécuté. Mais si le film tient, c'est que la narration est autre : ce que filme Abraham Segal, c'est la pensée d'un homme, les allers et les retours d'une réflexion vivante, parce que contradictoire, libre et pourtant dogmatique. Et cette pensée court hors du temps, dans les ruines présentes qui sont aussi temples du passé, dans les yeux de ces jeunes chrétiens et le long de l'ancienne route vers Damas. Si Le Mystère Paul reste une énigme pour moi c'est dans le comment : comment un documentaire se révèle fiction, et l'inverse tout à la fois. Je propose une hypothèse : Le Mystère Paul, film ample, ambitionne beaucoup de cinématographes ; lorsqu'il y parvient, Paul est parmi nous.
Arnaud Dommerc
-Cinéaste
Publié le jeudi 14 septembre 2017