Catherine
Corsini
Cinéaste
Dès la première séquence du film, tout donne envie de chanter, mais on ne chantera pas, cette fois-ci chez Ducastel et Martineau. On se promènera à travers la France. On voyagera avec Félix, de Dieppe à Marseille. Félix (Sami Bouajila) décide d'aller retrouver son père qu'il n'a jamais connu. Il prend le chemin des écoliers, donne rendez-vous à son ami (Pierre-Loup Rajot) à Marseille quelques jours plus tard. Ce voyage lui permet de traverser la France. Au fil du temps, des rencontres de hasard, se tissent des liens, se détermine la vraie famille d'adoption de Félix. C'est cette belle liberté qui fait frémir et qui donne soif. Mélancolie, amour du temps qui passe. Comme le petit Poucet égraine ses miettes de pain, Félix qui est séropositif avale ses médicaments avec la ponctualité d'un métronome. Aucun mélodrame, plutôt hilarant, tout ce qui concerne la trithérapie. Car tout est en charme et délicatesse. La composition de Sami nous met les larmes aux yeux : tant de candeur affirmée et une admirable écoute des autres. On laisse aux contemplatifs, aux amateurs de surprises, à ceux qui croient au hasard, aux rencontres, le loisir de s'émerveiller mais de découvrir aussi le portrait d'une France rongée par la haine. L'angoisse monte pour Félix, témoin d'un acte raciste. Félix est alors hanté parce qu'il n'ose aller avouer ce qu'il ressent de peur et de honte. Le film se risque bien au-delà des apparences. Je suis différent, jusqu'où m'acceptes-tu ? C'est une fugue en ré, une ballade, a song. On s'attache à chacun des personnages que croise Félix. On goûte, savoure, ces minutes précieuses qui font que chaque rencontre nous est présentée comme exceptionnelle. Alors, ça donne forcément envie de chanter en sortant.
Catherine Corsini
-Cinéaste
Publié le jeudi 14 septembre 2017