Arnaud
Dommerc
Cinéaste
La solitude du cadre.
Pour pouvoir écrire sur Les Antiquités de Rome il me faudrait oublier combien Jean-Claude est désormais un ami, oublier nos conversations où le cinématographe pouvait s'inquiéter de tant de sollicitude, oublier enfin avoir vu et revu ses films parce qu'ils me procuraient le plus grand réconfort : à nouveau l'émerveillement. Il me faut donc me penser en anonyme et chercher à vous donner à voir en quoi et pourquoi chaque image ayant trouvé un son par cette alchimie cinématographique unique nous propose de nouveau ce que l'on avait pu oublier : l'émotion. Car s'il est un film qui est à même de vous bouleverser, c'est à dire vous mettre les sens dessus dessous, oreille, œil, chair, c'est évidemment celui-là. Et il nous faudrait parler là de cadre et de cette place de caméra qui s'impose, qui ne pouvait être ailleurs tant pour celui qui a fait que pour celui qui cette fois voit. Le cadre dans le cinéma de Jean-Claude Rousseau n'est pas simplement un élément de mise en scène parmi d'autres, il en est la base, la matière même. Car pour lui le cadre est le lieu du passage, et nous voilà obligés de passer à travers dans une défenestration vers un au-delà inconnu, hors champ de nous-mêmes, dans lequel chacun se doit de se jeter pour réussir à VOIR enfin. Non pas cinéma de la contemplation donc, mais cinéma du risque, du pari, du dépassement.
En ce sens, les films de Jean-Claude Rousseau ne se donnent pas, il faut les vouloir, ils supposent un peu plus que notre faiblesse habituelle, celle qui nous fait croire que nous n'avons d'yeux que pour gagner des millions, d'oreilles pour répondre à un téléphone. Car enfin les yeux et les oreilles servent avant tout à aimer. Le cadre donc comme rapport obligatoire au tout. Aussi le film de Jean-Claude Rousseau n'est-il jamais illustratif et les images redeviennent ce rapport que l'on doit faire sien, c'est à dire singulier. Jean Claude Rousseau nous rappelle ainsi combien toute expérience cinématographique est aussi une expérience de sa propre solitude. Et tout cela à Rome et depuis la nuit des temps, ce qui n'est pas rien.
Arnaud Dommerc
-Cinéaste
Publié le vendredi 15 septembre 2017