Serge
Le Peron
Ces savates arpentent le ciel et la terre, la ville et la campagne, les cités dures de St Etienne et les paysages enveloppants de la Drôme. Elles dessinent la trajectoire d'un jeune homme, sa quête de l'absolu, sa dérive amoureuse autant que son parcours mental. Le plus beau du film se trouve là : dans cette conjonction de la souffrance affective et du processus intellectuel mis en œuvre pour la surmonter. Ces scènes à la montagne où le garçon apprend, de la jeune fille qui l'aime, à lire : où sa détresse se transforme en mots, où sa douleur apprend à se dire, à s'écrire. Le film de Brisseau est à l'image de cette quête infinie. Il dit en permanence son amour du cinéma et sa tentative d'aller au-delà : le cinéma tel qu'il est et tel qu'il porte en lui la capacité de se dépasser. Sa compassion profonde pour les personnages et son désir de tout dire (de tout savoir) sur eux. D'où l'aspect pulsionnel, éclaté, déréglé, délirant parfois des Savates du Bon Dieu. Sa capacité de passer du réalisme le plus cru au mysticisme le plus fou. Car ce film bressonnien doit aussi beaucoup à J.Rouch. De ce point de vue, il est l'hommage le plus inattendu au plus grand des cinéastes, disparu juste avant l'an 2000.
Serge Le Peron
Publié le vendredi 15 septembre 2017