Christophe
Cognet
Cinéaste
Un vieil architecte hautain et orgueilleux prend une chambre dans un motel quasi désert. Une femme le rejoint. Un jeune homme se prostitue dans la chambre mitoyenne.
Sur un mur se trouve la reproduction des Ambassadeurs d'Holbein le Jeune, double portrait de deux amis dans lequel figure une forme étrange : un crâne en anamorphose qui n'est visible qu'à la faveur d'un déplacement permettant de regarder l'image de biais. C'est une Vanité – une peinture qui exprime la vacuité de la vie.
La jubilation du film tient au même déplacement de regard progressif qu'opère la mise en scène, précise, virtuose et inspirée de Lionel Baier. De rebondissements en retournements, où chacun se révélera à lui même et aux autres, où les lourds rideaux ouvriront sur un ailleurs utopique, le film forme un trio improbable et uni, et mène une variation méditative et ironique sur l'existence.
Les éléments visuels et les motifs des Ambassadeurs se déploient dans l'univers du film qui emprunte aussi explicitement à Hitchcock et à Lynch : nulles citations pour initiés, mais une matière filmique que Lionel Baier agence avec gourmandise pour produire son propre cinéma.
Il parvient ainsi à composer une « Vanité en cinéma », où l'amitié redevenue possible, la foi envers la création et les puissances du cinéma sont une affirmation souveraine face à la vacuité de l'existence.
Christophe Cognet
-Cinéaste
Publié le lundi 18 septembre 2017