Ali
Akika
Le titre du film est énigmatique pour le quidam qui ignore aussi bien la langue arabe que l'histoire contemporaine de l'Algérie (pays où est né le réalisateur). "Adhen'' veut dire appel à la prière, "Dernier maquis'' fait référence aux intégristes religieux, (on pense évidemment à l'Algérie). Quel est le rapport entre ces mots d'un vocabulaire étranger à la France d'aujourd'hui et le film qui se déroule dans la banlieue du nord de Paris ? Notre quidam cité précédemment ne verra évidemment pas de relations. Il y en a pourtant ! Car les populations étrangères en France transportent avec elles leurs us et coutumes que des petits malins vont manipuler pour mieux exploiter les ouvriers issus de ces populations. Pour montrer leur fragilité dans une société qui ignore presque tout de leur culture, le réalisateur filme des ouvriers qui partagent la même foi religieuse. Leur pratique religieuse (zigounette mutilée, prière collective grossière à mille lieux des psalmodies ensorcelantes des versets coraniques) est caricaturée à dessein par le réalisateur pour mieux montrer ensuite la "suprématie'' du réel quand le conflit éclate entre le patron et ses ouvriers. Eh oui l'islam, comme toutes les religions, est utilisé comme une arme politique dans la lutte de classes niée par les zélateurs qui "ordonnent'' aux fidèles de se fondre, (pour assurer la paix sociale), dans la fameuse Oumma, la communauté des croyants. Adhen ou dernier maquis est un film qui s'attaque avec un certain doigté à un problème complexe, le rapport entre le politique et le religieux. On n'est pas gêné par la simplicité du dispositif de la narration car tous les plans ont une densité qui "révèle'' le jeu et les enjeux de sujets (rapports entre le patron et ses employés, entre l'imam et ses "ouailles'', entre les ouvriers "noirs'' et "arabes'' etc..). Le réalisateur porte sur ses personnages un regard complice agrémenté d'un certain humour, et la dose de poésie des images et des sons compensent les "non-dits'' du film. Dans son regard sur le monde qu'il filme, on y lit la pensée du réalisateur sur la situation actuelle du pays qui l'a vu naître et auquel il a consacré le magnifique Bled Number One. Avec Dernier maquis, Rabah Ameur revient à "sa'' banlieue qu'il avait déjà mis en scène dans Wech Wech, film d'un inconnu et que l'ACID a eu le flair de soutenir fermement. On connaît la suite….
Ali Akika
Publié le mardi 12 septembre 2017