Cati
Couteau
Cinéaste
Mafrouza, le choc filmique d'Emmanuelle Demoris n'est rien moins qu'un film-monde dont les thèmes et les espaces, loin d'être des îlots découpés selon un regard préconçu, livre le continuum d'une expérience autant de cinéma que d'humanité lumineuse, celle des gens de Mafrouza, dont l'art de l'oralité et la précarité flamboyante font raison à Pasolini qui savait que les bidonvilles recèlent les héros de la tradition. Huit heures, découpées en cinq parties chronologiques mais construites comme des unités indépendantes : film d'immersion et de partage, où nous embarquons pour un voyage au long cours, de ces voyages qu'on veut prolonger tant on y expérimente intimement le renversement du connu et de l'inconnu en étrangeté familière. Film opératique où se concertent paroles, scènes de la vie ordinaire et chants improvisés par lesquels Hassan, coryphée bouleversant, scande et commente le quotidien de la dizaine des personnages qui nous ouvrent leur porte et leur cœur. Laissons nous embrasser par ce fleuve vivant, laissons nous embraser par les ombres et les lumières de Mafrouza.
Cati Couteau
-Cinéaste
Publié le lundi 18 septembre 2017