Jacques
Champreux
Cinéaste
C'est, après l'Affaire de la division Morituri et Le Trésor des îles chiennes, le troisième film de F.J. Ossang qui poursuit, en dépit des pires difficultés, une oeuvre profondément personnelle et unique dans la production française, poussant jusqu'à l'extreme ses recherches sur l'onirisme cinématographique, tant dans le domaine du récit que dans celui de l'image. Bâti sur un long flash-back, Docteur Chance raconte avec un superbe mépris de la logique cartésienne - le surréalisme est un coin de l'écran - une complexe histoire de règlement de comptes dans une affaire de faux tableaux. Un univers qui n'appartient à personne d'autre, totalement onirique donc, angoissant, crépusculaire, mais qu'on n'est pas près d'oublier pour peu qu'on se soit donné la peine d'y entrer. De même qu'on n'est pas près d'oublier l'étonnant travail sur l'image, dans sa texture même et dans la couleur, accompli par Ossang et son chef-opérateur, Rémy Chevrin : ces visages émergeant de la pénombre poisseuse ; ces intérieurs fuligineux aux perspectives exacerbées ; ces villes, ces ports nocturnes comme on n'en a sans doute encore jamais vus au cinéma. Inoubliable aussi la longue quête du héros vers une hypothétique guérison à travers un Chili aride, désespéré et désespérant, aux cieux vides. Né d'une démarche passionnée et passionnante, Docteur Chance est une oeuvre qui ne manquera pas de trouver son public.
Jacques Champreux
-Cinéaste
Publié le lundi 18 septembre 2017