Pascal
Kané
Cinéaste
Horreur de l'Origine. Il est beaucoup question d'« indépendance », en ce moment, dans le cinéma français. Valeur médiatique en hausse, on peut parier que les plus asservis de nos cinéastes n'hésiteront pas, à l'occasion, à se parer des plumes du paon pour tromper leur monde...
Aussi l'indépendance, la vraie, doit-elle être saluée et admirée, sans qu'on la confonde avec ses contrefaçons. Cracher sur sa famille prolétaire, adorer une bourgeoise de prof tout en haïssant le monde entier, voilà qui va à l'encontre des (nouvelles) idées reçues. L'inconvénient, c'est que ça pourrait la rendre antipathique, la demoiselle, au spectateur bien-pensant... Si, à regarder de plus près, elle ne l'est pas tant que ça, antipathique, Sabine « l'enfant prodige folle de maths » c'est que ses incessants retours à ce foyer tant détesté sont la marque d'une faiblesse trop humaine : sa dépendance, justement, à l'origine. Se débattant dans « l'entre-deux », Sabine ne trouve sa vraie place ni dans l'ailleurs intello de l'homme venu de l'Est, ni même dans l'a-symbolisme mathématique, refuge provisoire, parce que monde sans origine. Pour elle, pas d'autre issue que de repasser par la case départ. C'est alors qu'elle pourra repartir en se libérant de sa haine, premier pas vers la liberté et la véritable indépendance (celle où l'on ne vénère plus rien, comme le conseillait Nietzsche). On pourra trouver clicheteuse cette famille de prolétaires. On aurait tort : ceux-ci ne sont pas montrés tels qu'en eux-mêmes, mais tels que le personnage de Sabine se les représente ; d'où leur comique irrésistible. Quand à Sabine (Julie Delarme), ses modèles ne manquent pas d'envergure ni d'exigence, de la Nicole Stéphane des Enfants Terribles aux héroïnes bressonniennes...
Pascal Kané
-Cinéaste
Publié le lundi 18 septembre 2017