Danièle
Dubroux
Cinéaste
Marciac. Gers. 1225 âmes. C'est dans ce village qu'une expérience de cinéma unique a eu lieu. Si le cinéma, c'est d'abord l'écran, la toile du fond, sur laquelle se détache le clair-obscur de nos désirs, tout homme a aussi une toile de fond secrète qui l'a façonné, souvent même sans qu'il le sache vraiment.
Comme un sourcier anthropologue, Jacques Nolot - le cinéaste - va arpenter ce terreau fertile où il a poussé (Marciac est son village natal), dans l'espoir d'y détecter la source enfouie, la scène archaïque dont Jacques Nolot - l'homme - est issu. Mais dans ce qui n'aurait pu être qu'une simple thérapie ou l'évocation naturaliste d'un souvenir drapé de nostalgie, Jacques Nolot décide d'impliquer tout le village. Certains de ses habitants doivent alors se jeter à l'eau et rejouer chacun un rôle dans la partition intime d'une histoire qu'ils ont bien connu, prêtant leur corps à la représentation cruelle de secrets qu'ils étaient peut-être au fond peu enclins à révéler. Ils donnent au film sa force étrange, ils sont sa matière première à la fois pudique et impudique que Jacques Nolot - le dramaturge - sait mettre à l'épreuve et pousser dans ses derniers retranchements. Car il retourne à Marciac comme on va au feu, prêt au pire, armé d'une écriture puissante et ciselée, donnant un souffle court et abrupt à un récit destiné à demeurer tel quel, sans résolution évidente et facile.
La formation d'un désir, la comédie et la tragédie des origines, les tours du destin qui se scelle toujours plus vite que prévu : l'arrière-pays, la vérité d'une vie ou presque... C'est la grande réussite du film que d'avoir su, pour raconter tout cela, inventer une langue, belle et drue, grande et triviale, qui mêle courageusement le cru et le cuit, qui sait restituer le plus longtemps possible l'ambiguïté du réel, avant de s'incarner dans des corps, des gestes et des regards qui rendront palpables les sentiments les plus secrets.
Danièle Dubroux
-Cinéaste
Publié le lundi 18 septembre 2017