À propos de Si je t'aime prends garde à toi

Serge
Le Peron

Qu'est ce qu'un mélodrame ? Un récit où les protagonistes suivent une ligne de désir qui n'appartient qu'à eux, qu'ils ne peuvent - ne veulent - partager avec personne : un parcours fatal qui les conduit logiquement à entrer en opposition radicale avec le monde qui les entoure, qui les enferme dans un univers opaque, jusqu'à la catastrophe inévitable finale. C'est ce pari, le plus difficile qui soit, que réussit Jeanne Labrune avec Si je t'aime, prends garde à toi.


_ Mais le film ne se contente pas de reprendre les règles d'un genre qui a traversé l'histoire du cinéma. Il opère avec une singularité qui en bouscule les codes et qui donne une vraie actualité à son sujet. En particulier grâce à la composition extrêmement précise du personnage joué par Nathalie Baye. Emportée sur la pente fatidique de sa relation avec un homme étranger à son entourage habituel, cette femme fait preuve, dans le même temps, d'une force qui dérègle les mécanismes conventionnels de passion amoureuse : perte des repères (« on sait qu'on est amoureux », disait à peu près Truffaut « quand on se met à agir contre ses intérêts »), don (et abandon) total de soi, déchéance, soumission etc...


_ Si je t'aime... n'est pas exempt de ces éléments dramatiques, ils sont même distillés dans le film avec à-propos, mais ils sont incarnés dans un personnage de femme qui ne cède jamais sur elle-même, qui se perd sans se départir de son être de femme intégrée socialement et intellectuellement à son époque. Ce réalisme du personnage, pris dans la tourmente de la passion, donne au film une étrangeté tout à fait nouvelle dans ce type de récit. C'est aussi ce qui alimente la folie de l'homme qu'elle aime, ce qui le déstabilise par-dessus tout. Du coup, ce qui pourrait n'être qu'une démonstration de plus de la puissance des sentiments (ce ne serait déjà pas si mal) prend la forme d'un affrontement tragique entre deux forces hétérogènes mais d'égale intensité : force physique, rageuse, exhibée d'un côté, force contenue, fragile et mystérieuse de l'autre. Affrontement qui confère au récit une tension permanente et actualise les enjeux dramatiques entre les personnages jusqu'au dénouement. Sous ses apparences classique, Si je t'aime... est habité d'une intense modernité.

Serge Le Peron


Publié le lundi 18 septembre 2017

Paroles de cinéastes

Si je t'aime prends garde à toi

Un film de Jeanne Labrune
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