Mélanie
Loisel
Cinéaste
Une chaleur sourde et diffuse. Une moiteur permanente sur les corps alanguis, des gestes lents et maladroits... Nous sommes dans la sensation, dans la matière d'une ville au visage fragmenté, sur la peau des personnages, dans leurs sentiments organiques. À proximité de la maison familiale, une usine crache des immenses cubes de glace... On y crée du minéral pour mieux détourner cette nature qui étouffe. Des morceaux de froid qui apaisent les plaies, retiennent les désirs, capturent la vie, assouvissent les fantasmes, engourdissent aussi. Chaque personnage tente d'aller au bout d'un rêve sans y parvenir, sans réussir à prendre sa vie à corps. Et à force de passer à côté, de ne pas aller au bout ou de se laisser enfermer dans les évidences, de se plier à ce qu'une société impose, ne reste que la frustration. Dans « Bi ! », Tout est enfoui, tout glisse, fond. La beauté de ce film est là, dans ce tiraillement entre ce qui pourrait exploser mais ce qui est contenu, dans cette alternance subtile entre la jouissance des corps et leur souffrance. L'érotique et la mort s'y enlace tendrement.
Au milieu des personnages adultes contraints aux espaces clos, à une position horizontale molle et fatiguée, il y a l'énergie de Bi, petit garçon aux aguets qui rêve d'être un homme. Bi circule, explore, expérimente, s'attarde sur les éléments pour mieux se fondre en eux. Il erre dans un univers plus vaste pour tenter de s'y construire. Alors que l'image du monde adulte s'effondre avec la mort du mystérieux grand-père, Bi poursuit sa quête de l'existence. Encore libre.
Mélanie Loisel
-Cinéaste
Publié le lundi 18 septembre 2017