On pourrait facilement voir ce film comme le pendant économique de L'Assemblée de Mariana Otero, sorti cette année : même page blanche, même désir de refonder entièrement les règles du jeu, même constat d'impuissance face au gigantisme de la tâche. Elle est peut-être ici, la raison du mystère du film : L'Usine de rien apparaît comme révolutionnaire et un peu désabusé, porté par une énergie mouvante, parfois un élan qui ébranle les structure sociales et cinématographiques, souvent une simple célébration du quotidien, où les plus moments les plus intenses sont sans doute la meilleure échappatoire à la coercition du monde du travail.

L'Usine de rien, du Portugais Pedro Pinho, est un lm gigogne sur la difficulté à penser le monde ouvrier dans un avenir désindustrialisé.

...Le plus troublant étant peut-être l'attachement des ouvriers à cette usine, métonymie de leur outil de travail mais aussi de leur milieu de vie, comme on le dirait d'espèces vivant dans un écosystème qui s'éteint. Soit ils y ont sué sang et eau, soit ils ne croient ni à l'arrivée des indemnités ni à leur reconversion, mais ils tiennent les lieux comme on tient une position à la n d'une guerre, qu'on la juge vaine ou nécessaire. Les armes sont enterrées. Le paysage ressemble à un champ de bataille. Les soldats à des survivants. Reste à reconstruire. À reprendre le travail.

Au départ, une usine de la banlieue industrielle de Lisbonne vidée de ses machines. Des cols bleus décident de rester malgré tout. Que faire quand il n'y a plus rien à produire ? Présenté à Cannes lors de la dernière Quinzaine des Réalisateurs, L'Usine de rien est le projet gonflé d'un collectif de cinéastes portugais, Terratreme. Les protagonistes de ce film singulier racontent les coulisses d'une histoire qui en dit plus sur le monde de l'entreprise que bien des discours.

... L'Usine de rien est une fresque morcelée qui n'ignore rien du mirage actuel de l'unité, qui n'évite pas une fin des temps et tente dans un geste de représenter, comme le disait Marx, chaque sphère de la société (...) comme la partie honteuse de la société (...), et ces conditions sociales pétrifiées, il faut les forcer à danser en leur faisant entendre leur propre mélodie, il faut apprendre au peuple à avoir peur de lui-même afin de lui donner du courage. 

(...) Si la matière du temps et des espaces filmés fait puissamment ressentir et comprendre les enjeux profonds d'un conflit social, et au-delà, d'une réflexion politique plus ample sur notre mode de production et notre organisation sociale, le film de Pinho se permet des trouées buissonnières étonnantes, comme ces virées dans des bars rock avec l'un des ouvriers qui est aussi chanteur punk, ou cette échappée quasi surréelle dans une zone marécageuse peuplée par des autruches. C'est par ce type d'écarts inattendus, magiques, que Pedro Pinho s'affirme grand cinéaste et pas seulement grand cinéaste politique qui montre que la classe ouvrière bouge encore.

... Puis, comme tous les mercredis pour sa rubrique cinéma, Thierry Chèze vient nous donner des conseils sur les sorties de la semaine. Aujourd'hui, on parle du film Les Bienheureux de Sofia Djama, Jim et Andy de Chris Smith qui sort sur Netflix et L'Usine de Rien, de Pedro Pinho, et ce matin, c'est toute l'équipe du film qui nous rejoint dans le studio ! Louisa Homem et Tiago Hespanha les scénaristes, Joao Mattos le producteur et José Smith Vargas, acteur mais aussi musicien !

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Récit de dignité et de vaillance collective, "L'Usine de rien" pose les bases d'une transformation de la désespérance, en vigilance puis en espoir vivace. Symbole d'une lutte protéiforme face aux délocalisations et à un capitalisme hypocrite, le film bouleverse par ses personnages plus vrais que nature, et se pose autant en lanceur d'alerte qu'en vision poétique pleine d'espoir.

Il y a quelques jours on retrouvait Pedro Pinho, réalisateur du film collectif L'Usine de rien, au cœur du quartier de la Goutte d'Or : une des dernières zones encore un peu ouvrière de la ville de Paris. On a voulu évoquer son dernier film avec lui.

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... A la question : oui, mais que proposez vous ? ce film répond par un médius relevé avec grâce. Pas de solutions et tant pis pour les gens qui voudraient se ranger derrière un concept comme d'autres derrière un chef. Il y a plein d'idées dans le film, plein de propositions, plein de conflits, de questions, de discussions. Mais rien d'achevé, rien de conclusif. Sauf la poésie et le bonheur de la voir évoluer à l'écran, sous la forme de plans magiquement bien filmés et de scènes composées avec une absolue liberté.

L'occupation d'une usine au Portugal constitue le point de départ d'une folle odyssée cinématographique, un hymne à l'intelligence collective. Plus qu'une oeuvre engagée, voilà un film sacrément engageant ! 

(...) Pedro Pinho s'est attelé à la tâche et propose un film-fleuve, fou, furieux et foisonnant.